CE QUE NOUS APPRENNENT LES SIGNATURES

Lorsque l’on débute sa généalogie, les logiciels de généalogie recellent certains mystères ou entrainent des interrogations. Une des rubriques qui a suscité ma curiosité a été : « signe peut-être/sait signer/ne signe pas ». J’avais conscience que cette donnée  devait avoir de l’importance, et en consultant les registres d’état civil, j’ai pu compléter cette rubrique et mieux en mesurer l’intérêt.

Son degré d’importance vient de trouver sa réponse dans l’article « Alphabétisation dans le canton de Lusignan au XIXe siècle » de Jean Roger Augustin. Il y est expliqué le lent développement de l’alphabétisation, le bouleversement qu’opère le partage de l’écrit, ainsi que la nouvelle vision moderne qu’il impose à partir de l’ouvrage de François Furet et Jacques Ozouf « Lire & Ecrire – Tome 1 ».

Je vous   propose des extraits qui m’ont paru significatifs :

« Réutilisant et enrichissant par de nouveaux sondages locaux les comptages de signatures effectués par les érudits de la IIIe République, l’analyse montre que dans leur masse, les Français ont appris à lire et à écrire entre Calvin et Jules Ferry, sans que 1789 constitue à cet égard une ligne de démarcation. »

« L’histoire de l’alphabétisation est subordonnée aux différentes inerties du tissu social, modèle culturel « descendant » des « élites » vers les classes populaires, plus précoce à la ville qu’à la campagne, généralisé plus tôt dans la France du nord et du nord-est qu’en Bretagne ou en Aquitaine. »

 » le système scolaire loin d’être dans notre histoire une institution imposée d’en haut, du pouvoir vers la société, est au contraire le produit d’une demande sociale d’éducation, les communautés d’habitants ont fondé, gouverné et financé leurs écoles. »

« Dès le départ l’Eglise catholique a perçu l’école comme un moyen de contrôle social et intellectuel et par conséquent comme un pouvoir dont il ne fallait abandonner ni même partager l’exercice. L’Etat monarchique appuie l’idée d’une école catholique qui déracine à jamais l’hérésie en tentant d’avoir dans tout le royaume et dans la moindre paroisse un instituteur de la Révocation de l’Edit de Nantes. »

« Le développement de l’alphabétisation obéit globalement aux lois de l’inégalité du développement économique. L’économie de marché généralise l’écrit comme un impératif de la modernité qui impose le passage du religieux au moderne et d’une alphabétisation restreinte à une alphabétisation de masse. »

« En amont dans la société à alphabétisation restreinte, le texte est sacré, il dit le vrai, tout change à partir du moment où tout le monde doit savoir lire et écrire, le rapport de l’individu au texte écrit s’en trouve radicalement transformé, les conditions de communication, de collectives deviennent individuelles. On passe d’une culture orale qui est publique et collective à une culture écrite qui est secrète et personnelle.  »

« L’écriture transforme donc tout le rapport social et en même temps c’est aussi par elle que le nouveau rapport se trouve sacralisé »

 » …c’est le degré d’aisance de la paysannerie qui définit le mieux le niveau de propension à l’instruction. La plus ou moins grande richesse des collectivités locales conditionnent, jusqu’à la fin du XIXe siècle, la possibilité d’ouvrir une école. Il faut souligner que presque jusqu’au bout la société rurale française a assuré de ses propres forces, sans l’aide de l’état, l’alphabétisation de ses enfants. »

L’alphabétisation suivant le taux de signatures au mariage

Pour les périodes antérieures au XIXe, faute d’avoir des informations directes sur les populations (recensement, conscription), l’historien est réduit au seul indicateur des signatures au mariage. En 1877, Louis Maggiolo ancien professeur, principal de collège puis inspecteur d’académie à la retraite se voit chargé par le ministère de l’instruction publique d’une mission qui consistait en une grande enquête rétrospective sur l’alphabétisation des Français. Maggiolo demanda aux instituteurs, chacun dans sa commune, de relever les signatures des époux pour quatre périodes quinquennal : 1686-1690, 1786-1790, 1816-1820 et 1872-1876.

A l’examen des résultats obtenus, la France peut être grossièrement divisée en deux parties à partir d’une ligne Saint-Malo – Genève. Il y a donc une France du nord et du nord-est qui a été alphabétisée sous l’ancien régime et d’autre part une France du retard

Ce que l’on peut retenir :

- L’alphabétisation n’a pas été un mouvement continu au XVII et XVIII

- L’inégalité est réelle entre les milieux sociaux, entre les villes et les campagnes

- les femmes sont partout en retard sur les hommes

Signature de Nicolas Marc DUFOUR en 1812 à la naissance de son fils

ascendant Génération 6 – Archives de la Somme

Maintenant que je sais ce que la signature sur un acte recouvre, je suis en quête de mes ascendants qui savaient signer au XVII et XVIII siècle : ainsi en 1812, Nicolas Marc DUFOUR berger, savait signer.

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